Le forgeron
Dans la plupart des livres de fantasy, le forgeron est un gars à la force colossale, mais pas trop futé. Sa seule utilité est de faire des épées (alors qu'en réalité, elles étaient souvent fabriquées par des artisans spécialisés dans les armes). On ne s'attarde pas trop dans son atelier. C'est une image qui ne vient pas du fond des âges, mais du 19ème siècle, lorsque le travail du fer migra de la forge à l'usine.
Vous êtes vous jamais demandé pourquoi nombre de héros costauds (modèle Conan) ont pour père un forgeron? D'abord, parce que avant la révolution industrielle c'était une technologie avancée, qui demandait une matière première chère et difficile à extraire, du fer et une source de chaleur intense qui demandait beaucoup de combustible. Ça demandait des notions de chimie, presque d'alchimie, de physique transmises oralement. Les forgerons étaient des sorciers, des sorciers particuliers. Dans beaucoup de cultures, c'était carrément une caste à part. En Europe chrétienne, le Diable aimait les forges. Pas surprenant, si on considère qu'elles présentaient un risque d'incendie évident. Les forgerons pouvaient tordre le métal, lui faire changer de forme, bref, encore une fois, des magiciens. Et s'ils pouvaient "forger" des objets, symboliquement, ils pouvaient "forger" les individus. Je ne parle même pas de la fabrication de gadgets!
Le guerrier
Le grand cliché de la fantasy, c'est le guerrier solitaire, asocial et caractériel Dans la vie réelle, on a découvert depuis la nuit des temps, que pour gagner une bataille, il valait mieux être nombreux et bien organisés. Même si vous étiez le chef, non seulement il valait mieux avoir un bon plan, mais aussi faire en sorte que tout le monde avait bien compris vos ordres et choisir des lieutenants qui n'étaient pas des imbéciles. Ça demande un certain sens de la négociation, de la communication et de la psychologie. Désolée, ces trois qualités ne sont pas réservées aux femmes.
Si vous étiez un soldat de base, vous deviez être capable de cohabiter avec vos camarades. Oui, même/surtout si vous étiez un Viking dans un drakkar.au milieu de l'Atlantique Nord.
Bref, pour que votre guerrier solitaire devienne soudain un grand roi, façon Aragorn, il va lui falloir un minimum d'entrainement dans les relations humaines.
La plupart des auteurs ont contourné le problème de quatre façons:
- le guerrier solitaire ne l'était pas au départ, mais a subi un grand traumatisme
- le guerrier solitaire va subir une longue foramation que fait partie de l'intrigue de l'histoire
- Le guerrier solitaire a un ami capable de lui servir d’interprète auprès des autres personnages
- Le guerrier solitaire fait quelque chose d’héroïque tout en restant solitaire, et s'en va vers le couchant etc...
Ensuite, quelqu'un a bien appris à votre héros à se battre. Ça implique un maitre, des adversaires pour s'entrainer, un minimum de communication pour se corriger, et comme toujours, beaucoup d'efforts de la part de l'enseignant pour avoir des résultats brillants. Même si le résultat est une machine à tuer. Bref, votre héros solitaire a eu quelque part dans sa jeunesse, une relation affective.
Petit detail realiste: non seulement votre guerrier en connait un rayon sur les armes et risque d'en parler en termes techniques, mais en plus, il va etre plutot maniaque avec. Il les verifiera soigneusement tous les matins et tous les soirs, ne les mettra pas n'importe ou etc...
Dernière chose, votre guerrier, doit avoir une position quelconque sur la violence et la mort. Même s'il refuse de prendre position, c'est en soi une position. A fortiori s'il passe du temps à philosopher dans votre histoire. Regardez un peu les romans de Joe Abercrombie.
La prostituée
Vu que c'est un métier qui est plein de clichés dans la vie réelle, ne soyez pas surpris qu'il le soit en fantasy. En plus, il associe deux grands fantasmes: le sexe et l'argent.
Les prostituées de fantasy viennent en 4 modèles:
1- la victime sans défense et souvent sans cervelle, façon Fleur de Marie dans Les Mystères de Paris (années 1840). Tout comme elle, ce personnage a tendance à mal finir.
2- l'obsédée sexuelle ayant un orgasme avec chacun de ses clients, qu'ils soient moches, sales ou franchement maladroits, et qui offre meme ses services gratuitement, façon héroïne de la série Gor, Belle de jour ou nombre de persos de films porno
3- La femme fatale qui mène les hommes à leur perte, façon Cicely, toujours dans Les Mystères de Paris.
4- La pute au grand coeur, façon La Baccarat dans Rocambole (années 1860)
Vous noterez que trois de ces clichés (et probablement le quatrième) sont vieux de plus de 150 ans, mais sont toujours en usage. Si dans la réalité, le 1 existe malheureusement et les 3 et 4 à l'occasion, le 2 est totalement invraisemblable, mais toujours populaire.
Si votre univers ne comporte pas de morale judéochrétienne, il va falloir expliquer pourquoi votre prostituée est une victime. Ce métier ne faisait pas de vous la lie de la société dans toutes les cultures, il y avait bien pire, comme métier.Les prostituees n'exercaient pas non plus forcement dans les quartiers interlopes qui faisaient peur aux clients potentiels.
Certaines auteures pleines de bonnes intentions, pensent qu'il est justement important d'insister sur la prostituee-victime, afin de faire ressortir le message feministe. Perso, je pense que resservir un cliché écule va justement affaiblir votre message. Il va falloir faire plus original que ca.
Autre situation qu'on retrouve souvent dans les romans et pas qu'en fantasy: le heros va voir une prostituee dans un quartier louche pour qu'elle lui donne des renseignements qu'un de ses clients, un gangster/voleur/assassin, lui aurait glissé sur l'oreiller. La, je vous rappelle que la prostitution est un metier de service et votre caid n'a pas plus de raison de raconter un secret a sa pute habituelle qu'a son coiffeur. Ce n'est pas une relation qui releve de l'affectif, a fortiori si vous avez decidé que votre assassin serait un affreux misogyne. Vous pouvez parfaitement imaginer une prostituee dont le copain est un gangster, mais c'est son copain, pas son client (par contre, les relations avec les maquereaux peuvent faire un developpement tres interessant).
Ensuite, il y a beaucoup de romans où on voit une société futuriste strictement égalitaire, mais toutes les prostituées sont des femmes et en plus, sont mal vues et exercent dans un quartier louche. Là, je décroche tout de suite. J'ajoute qu'il va falloir expliquer pourquoi un homme va faire le choix de la prostituée, qui coûte de l'argent (sans compter le risque du quartier louche), alors qu'il y a: la masturbation, les films X, les webcams, les sites de rencontres anonymes sur internet et toute simulation virtuelle que votre imagination féconde peut inventer dans un univers à la technologie avancée.
Si vous tenez à avoir une prostituée dans votre histoire, il va falloir vous rappeler que c'est quand même un business et donc vous demander quels sont ses revenus par rapport à d'autres métiers et comment elle pratique. À Paris au 19ème, en maison close (où sont les amateurs de steampunk?), elles gagnaient plus que les ouvrières, au grand désespoir des réformateurs sociaux et des moralistes. C'était aussi un métier fortement régulé, avec examen médical, papiers etc.., organisé et ... taxé. Et oui, comme les cigarettes. Et en effet, il y avait une mère maquerelle, mais était-elle pire qu'un patron d'usine ou de mine?
Enfin, les prostituées avaient une vie perso (cf. les chansons de Piaf, genre l'Accordéoniste) et des enfants. C'est drôle, il y a plein de gens qui vous déclarent avec fierté "Mon arrière grand-père était un mineur" , mais avez-vous déjà vu quelqu'un déclarer que son arrière grand-mère était une prostituée?
Moralité: la prostituée est difficile à sortir des clichés ( voyez la vie réelle). Donc, vous avez le choix: soit vous assumez le cliché, soit il va falloir vous demander si vous avez vraiment besoin d'un personnage qui exerce ce métier dans votre histoire?
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