« … Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves.
Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins ; un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme un double colonnade d'obélisques verts.
Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marche la proue d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar.»
Bon, j’adore Salammbô, mais si vous essayez d'écrire comme Flaubert, votre lecteur s’endormira au bout du deuxième paragraphe. Alors, il va falloir trouver un équilibre délicat: fournir au lecteur assez d'informations pour qu'il comprenne le récit, faire joli et éviter que le même lecteur ne tombe d'ennui. Je n’ai pas la prétention de détenir la recette magique, mais voici quelques idées.
La principale est d'utiliser les cinq sens. Après, tout, c’est bien ce que vous faite lorsque vous êtes quelque part. Vous pouvez utiliser sélectivement ceux qui vont vous évoquer le plus précisément l’ambiance. Attention tout de même à ne pas accumuler les clichés !
1- L’odorat.
Le sens le plus primitif et le plus émotionnel qui soit. Ah, la madeleine de Proust! Avec quelques odeurs, vous avez parfois à peine besoin de décrire le reste.
- Le cachot sentait l’urine et la pourriture.
Avez-vous besoin d’en rajouter plus ?
- Le restaurant sentait le pain frais/le graillon/la viande grillée/le chocolat chaud
- Il sentait la sueur rance et la vieille vinasse.
- Elle sentait le parfum bon marché et la cigarette.
L’odorat permet aussi de caractériser le personnage, surtout si vous écrivez en focalisation interne :
L'deur de renfermé et de pourriture que dégageait cette cave lui rappela immédiatement les cachots du Dictateur Duchmoll où il avait passé dix ans.
Attention tout de même à ne pas en faire trop ou verser dans le cliché le plus plat:
- L’odeur des madeleines chaudes lui rappelèrent immédiatement sa grand-mère dans son cottage propret au bord de la rivière, lorsqu'elle faisait des pâtisseries le dimanche après-midi.
2- L'ouïe
Un autre sens très lié à l'inconscient et aux émotions. Evoquer quelques sons peut aussi suffire pour décrire une ambiance.
- Le restaurant résonnait des bruits de porcelaine et de conversations polies.
- Le hammam résonnait de clapotis d’eau et de de voix féminines alanguies qui commentaient paresseusement des recettes de crèmes de beauté.
- Le couloir du HLM résonnait de pleurs d’enfants et d’une télévision qui jouait un match de foot à plein volume.
Comme l’odeur, l’ouïe vous permet de dire quelque chose sur le perso:
- La chaine près de son lit jouait du heavy metal à fond les enceintes/une subtile sonate de Mozart.
- Sa voix lui évoqua celle de son instit' en CM2 qui lui donnait régulièrement des punitions.
3- Le goût.
Le goût se confond avec l’odorat pour beaucoup de saveurs. Bien sur, il n'est pas facile à utiliser car il doit y avoir quelque chose dans la bouche du personnage.
4- Le toucher.
Votre protagoniste a-t-il froid ? Sent-il du vent sur son visage ? A-t-il l'impression d’étouffer car l'air est chaud et humide ? Ses vêtements lui collent-ils à la peau ? Est-il trempé par la pluie? Votre héroïne est-elle serrée dans un corset ? Un soutien-gorge pigeonnant ? Porte-telle un chignon dont les épingles lui piquent le crâne ? Comment est-le sol sous ses pieds ? D’ailleurs comment sont ses chaussures ? Trop serrées ? A talons ? Adaptées à la situation? Là vous rentrez dans la caractérisation en même temps que la description de l'ambiance. Enfin, votre héros s’appuie-t-il sur un mur ? Un meuble ? Tient-il une arme ? Quelle est leur texture?
Ces quatre sens sont particulièrement importants lorsque vous décrivez une interaction physique, aussi bien scène de bagarre que scène d’amour.
La vue mérite un post à elle toute seule. Ce sera pour une autre fois.
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