Les Méchants de fantasy et de littérature populaire

 

Encore une fois, je devrais dite les antagonistes, mais en fantasy, l'antagoniste est généralement vraiment abject. La plupart du temps, l'antagoniste est celui qui se trouve entre le héros et son objectif. En fait, il peut viser le même but (du genre s’emparer de l’épée magique ou épouser le Prince Charmant) mais pour des raisons habituellement différentes.

Certains romans fonctionnent parfaitement sans antagoniste c’est le cas de certains romans de Terry Pratchett, mais aussi de la série "Téméraire" de Naomi Novik, où le réel antagoniste est "le système": la société anglaise qui veut garder les dragons en esclavage. Dans Game of Thrones, il n'y a pas non plus de réel antagoniste, car il n'y a pas vraiment de héros (sauf si vous comptez sur Daenerys). Enfin, on peut avoir plusieurs antagonistes, se succédant dans le temps ou par rang d'importance, comme dans Harry Potter.

Le personnage de méchant est présent non seulement en fantasy, mais dans la littératture populaire en général. Il est le reflet de la façon dont la société et vous, l’auteur, définissez le Mal et se prête bien sûr à des considérations philosophiques.

Si vous voulez un antagoniste qui ne soit pas en carton pâte, il doit être aussi développé que le héros : vous devez connaître tout son pédigrée, de ses attitudes, ses tics, ses peurs. Si vous ne le mettez là que pour servir d’épouvantail, même s’il tue les gens par millions, votre roman manquera cruellement de profondeur.

Et surtout… Vous connaissez beaucoup de vrais méchants qui sont méchants et s’en vantent ? Non. Ils sont incompris, ou ils luttent pour une cause supérieure qui requiert le sacrifice de quelques vies ou alors, ce sont des êtres supérieurs qui n’ont pas à obéir à des conventions sociales idiotes.

 

1- Le Destructeur et le Prince Obscur

L'exemple classique est Sauron dans le Seigneur des Anneaux. Il impressionne parce qu’il vise une destruction à une échelle supra industrielle et en a la capacité. Dark Vador est capable de détruire une planète entière sans battre un cil. Le fait-il tout seul ou avec une armée de sous-fifres ? Il n’y a rien à discuter avec ce perso, il détruit, un point c’est tout. Attention: si vous allez écrire une série et un méchant de ce genre dans le premier tome, vous risquez d’avoir à aller à la surenchère dans le suivant.

Surtout, vous allez devoir expliquer pourquoi il détruit à une échelle surpra-industrielle et cherche à conquérir l'Univers en entier : c’est tout de même fatiguant pour un être humain moyen. Il se contenterait plutôt d'un empire, voire d'une planète. Votre Destructeur doit être vraiment une créature surhumaine. Peut-être se fiche-t-il tout simplement des dégâts qu'elle peut causer, dans le style les Grands Anciens de Lovecraft.

Une version du Destructeur est le Prince Obscur, suprêmement intelligent (généralement plus que le héros) et ayant tout prévu. Dans beaucoup de vieux romans de fantasy et de BD, ce dernier gagnait simplement par un incroyable coup de chance. Vous, vous n’avez plus cette possibilité. Il va falloir trouver une façon plausible pour votre héros de s’en débarrasser. Peut-être votre Prince Obscur a-t-il une allergie mortelle aux fraises, peut-être se transforme-t-il en loup garou ou en licorne toutes les 13 lunes, peut-être la seule arme capable de le détruire est cachée dans un œuf, enfermé dans un coffre, enterré sur une île lointaine gardée par un dragon etc…  

Souvent, votre Prince Obscur est sadique et manipulateur. Dans la vraie vie, on l’appellerait un pervers narcissique. Si vous voulez vous lancer dans ce genre de personnage et le rendre crédible, il va falloir lire quelques ouvrages de psychologie et expliquer pourquoi il se comporte comme ça, le coté manipulateur résultant souvent d’un grand sentiment d’insécurité. Stephen King avait trouvé une explication maintes fois reprise par la suite dans "Ça": votre méchant est une créature qui se nourrit littéralement ou presque littéralement de la peur de ses victimes!

Bref, à moins de vous appeler HP Lovecraft ou Stephen King, méfiez-vous des Destructeurs et des Princes Obscurs. Ils risquent de vous entraîner dans les abysses du ridicule.

 

2- Le Méchant de nature

Il est méchant parce qu’il est ainsi fait et ni lui, ni personne n’y peut rien. C’est le zombie moderne, le vampire d’avant les années 80, les créatures de la série de films "Alien", l’orque façon Tolkien. Dans la vie réelle, ce serait un prédateur : un requin, les lions mangeurs d’homme Ghost et Shadow, un virus mortel.

Dans un style légèrement plus complexe, c’est un démon de la mythologie chrétienne : les démons ne sont là que pour semer le Mal, c’est leur job, un point c’est tout (les Grecs classiques appelaient « démon » toute créature magique de moyenne importance, sans aucune considération morale).

Autant ces méchants peuvent s’avérer terrifiants, autant vous n’aurez pas beaucoup de psychologie à développer, encore que… Votre orque peut-il s’apprivoiser ? Quant au virus, et s’il pouvait vous transformer en légume ou en génie, comme dans la série Clockwork Empire de Steven Harper ?

 

3- L’illuminé

Il est à la poursuite d'une noble cause, mais la route de l'Enfer est pavée de bonnes intentions. Le pire, c’est qu’il peut y avoir du vrai dans ce qu’il dit : le roi est un homme corrompu qui devrait être viré de son poste. La pauvreté est criante dans le royaume. Il est temps de changer tout ça. Quant au roi, et ses nobles, on n’a qu’à leur couper la tête, ça leur apprendra… Bref, ce méchant-là est un personnage avec qui il est difficile d’argumenter et qui peut avoir nombre d'admirateurs sincères. Contrairement aux personnages précédents, les illuminés de tout poil abondent dans notre monde réel. Donnez-leur juste assez de pouvoir pour nettoyer la société de tous les éléments indésirables et remettre tout le monde dans le droit chemin… Ce méchant-là peut s’avérer intéressant si vous comptez introduire des réflexions philosophiques/sociales dans votre récit.

Enfin, attention! Peut-être l'illuminé fanatique de l'histoire, c'est votre héros ou sa copine, si vous écrivez le roman de son point de vue! 

 

4- L’Ennemi personnel

Il a eu un conflit avec le héros dans le passé et ne reculera devant rien pour se venger, même si cela veut dire trucider quelques millions de personnes. Ce méchant vous permet de développer les relations héros/antagoniste. Le Prof Snape dans Harry Potter est un bon exemple.

 

5- L’Ambitieux insatiable

Il veut toujours plus : plus de terre si c’est un roi, plus de magie si c’est un sorcier, il veut le beurre, l’argent du beurre, le fils de la crémière... Hum… cette attitude de « gagnant » n’est-elle pas encouragée dans nos sociétés ? Nombre de héros de fantasy tombent aussi dans cette catégorie (King Kull ou Conan le barbare qui finissent tous les deux par s'ennuyer une fois arrivés au sommet). Attention cependant à ne pas verser dans la caricature.

 

6- Le Vrai fou

Surtout s’il s’agit d’un fou aux grands pouvoirs. Attention toutefois : de nos jours les livres de psychologie pullulent. Votre fou doit avoir une folie crédible qui suit une certaine logique interne, pas juste se comporter de façon colorée quand ça arrange votre scénario ! S’il évite de sortir de sa tour sombre les mercredis, c’est parce qu’il est convaincu que des éléphants roses vont tomber du ciel ce jour de la semaine. Ne le faites pas soudain s’enfermer chez lui un jeudi ! Attention aussi à ce que votre roman ne semble pas suggérer que toute personne un peu dérangée est un tueur en puissance!

Une "folie" souvent utilisée est la paranoïa. Exemple, votre méchant est convaincu que tout le monde veut l’assassiner. Autant frapper le premier. Et pour être efficace, autant utiliser la bombe atomique…

Une autre variante est le perso qui devient fou à certaines périodes ou avec certaines substances : typiquement sa folie se manifeste par la violence aveugle. Le loup-garou est un exemple, encore que sa folie semble se limiter à manger tout ce qui bouge: alors essayez d'être plus original. Ce perso-là peut même attirer la pitié du lecteur et du héros.

 

7- Le Faux fou

Il est peut-être un peu givré, mais à la fin, son comportement apparaît parfaitement logique et nombre de ses réflexions sont pleines de bon sens, même si elles reflètent un humour un peu décalé. Pensez au « fou du roi » qui pouvait se permettre de dire ses quatre vérités au souverain. Peut-être même a-t-il des dons prophétiques. Peut-être est-ce le héros qui n’a rien compris !

Dans la vraie vie, nombre de dictateurs ou de personnalités riches et "excentriques" pourraient rentrer dans cette catégorie, depuis Salvador Dali et jusqu'à l'"Empereur" Bokassa. Cela ne les a pas empêchés de mener leurs petites affaires d'une main de fer. Un exemple de fiction est le Joker dans Batman: il a beau être fou, se manigances n'ont rien de loufoque!

L'intérêt du faux fou réside bien sûr dans son comportement imprévisible. De plus, le lecteur passe son temps à se demander: 'Il le fait exprès ou pas?". Si vous creusez un peu plus, votre faux fou peut soulever des questions philosophique et sociétales, comme le Christ dans le "Maître et Marguerite".

 

8- L’égoïste 

  Il est obsédé par l’idée de régler un problème perso, peu importe les conséquences. Un vampire affamé est un exemple typique. L’intérêt de ce perso est que l’on peut tous s’y identifier totalement ou en partie et compatir.

Une version de l’égoïste, qu’on trouve plutôt dans les romans policiers est le psychopathe (celui des livres de psychiatrie, pas des romans gore) qui ne se soucie jamais des sentiments des autres tant qu’il peut commettre ses forfaits en toute impunité. Attention, il va falloir se documenter sur ce genre de personnage, car il se retrouve rarement à la tête d’un grand groupe criminel ou autre (trop de boulot). Aussi, perso, j’ai un peu de mal avec un psychopathe qui ne serait pas un être humain. Une licorne psychopathe ?

Une autre version de l’égoïste est le faible : il est victime de ses (mauvais) choix et incapable de résister à la tentation et en général, de faire preuve de volonté. Il est toxicomane/alcoolo/accro au luxe… quand il le réalise pleinement, il est dans les embrouilles jusqu’au cou et n’a pas le courage de changer sa situation. Un bon exemple est Edmund dans Narnia. Réfléchissez : votre héros ne serait-il pas un petit peu dans cette catégorie ? Part-il en quête parce qu’il l’a décidé ou parce que quelqu’un d’autoritaire lui a dit de le faire ? Pourquoi diable le roi Arthur est-il allé sortir cette épée de sa pierre ? Parce qu’il le voulait ou parce que Merlin lui a dit de le faire ?

Cependant, votre perso peut simplement être égoïste parce qu’il a été élevé dans un monde où c’était « chacun pour soi », ou alors une société/famille rigide où l'empathie était un sentiment inconnu et les gens ne possédaient qu'une valeur utilitaire. Mais peut-être peut-il faire un petit effort… D'ailleurs, peut-être suis-je en train de décrire votre héros ou plus souvent, le Prince Charmant de votre héroïne!

 

9-  l'Ex-victime en quête de vengeance

Ce personnage n’a jamais rien eu d’un sadique jusqu’à ce que lui ou un membre de son entourage ait été victime d’un tort sérieux. Il est dominé par sa colère et la quête de la vengeance et insensible à tout le reste. Ex: le monstre de Frankenstein qui en veut à l’Humanité toute entière. Encore un perso auquel on peut facilement compatir. Peut-être peut-il se calmer avec les années. Faut voir… Cependant, évitez d’en faire la victime d’un méfait mineur. L’ex que le héros a abandonnée de façon peu élégante des années aauparavant tombe plutôt dans le cas n°4.

 

Enfin, il existe deux méchants très courants dans la vie réelle, mais qui, jusqu’à l’arrivée de romans comme « Games of Thrones » ou "Le Dernier argument des rois", étaient inexistants en fantasy :

 

10- Le chefaillon frustré

 

 Ce personnage a commencé sa vie comme un minable, jaloux du succès des autres. Jusqu’ici, seul le bras armé de la loi l'a empêché de donner libre cours à ses frustrations, mais soudain, il se retrouve en position de pouvoir (et aussi ses subordonnés le craignent) : il va se venger de tous ceux qu'il a jalousé, c'est à dire tout le monde. Leurs cris de douleur et d'agonie seront une douce musique à ses oreilles. 

 

11- Le Bête et méchant

 

Il fait ce qu'on lui dit/appris, suit les traditions et n'a jamais envisagé de se poser des questions sur le bien fondé de ses actions. S'il a parfois des doutes, il s'empresse de les oublier. Et torturer des gens, ça donne un tel sentiment de puissance!

 

 

12- L'Organisation secrète et superpuissante

 

On pense bien sur à SPECTRE de James Bond, mais avec toutes les théories conspirationnistes à la mode, vous avez le choix. Cette organisation a de l’argent à la louche, des agents jetables et comme l’hydre, on peut en détruire une branche et une autre repoussera. Excellent pour une série. Pensez quand même à la logistique que va nécessiter une telle société.

 

 

 

Bien sûr, vous pouvez combiner l’ensemble : votre organisation secrète qui vise à détruire l’univers peut être dirigée par un Prince Obscur paranoïaque qui se révèle être un rival amoureux de lycée du héros qui finit par se rappeler qu’il a déjà fait une réaction allergique gravissime aux fraises. 

 

Surtout, vous pouvez lui ajouter des traits de caractère: de quoi a-t-il peur? Pourquoi? Qu'est-ce qu'il déteste? Pourquoi? Qu'est-ce qu'il aime? Pourquoi? A-t-il de l'humour? De l'intelligence? De l'éducation? Des capacités techniques ou un superpouvoir quelconque? Une famille? Des amis (Quoi? Ben Hitler en avait, non?)? 

 

Bref, au boulot !

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