Comment descendre son héros/ïne aux yeux du lecteur

Voilà, vous avez un perso principal drôle, courageux, sexy, intelligent, volontaire,  etc…  bref, votre lecteur devrait l'a-do-rer. Mais voilà, vos béta-lecteurs vous annoncent que… Ben… oui, il/elle est sympa, mais quelque chose n'accroche pas.

 

Votre problème peut-être à deux niveaux: sur la forme ou le fond.

 

 

 

Le Vocabuaire:

 

Certains termes (ou plutôt leur accumulation) ont tendance à évoquer un personnage falot, passif, voire carrément lâche. Votre héros/ïne a le droit d'avoir peur ou subir les évènements, mais il doit le faire comme un héros, pas comme un paillasson! Aussi faites très attention quand, en parlant de votre protagoniste, vous utilisez:

 

- La forme passive: le personnage se retrouve dans un bar louche ou dans le lit d'une jolie fille/garçon (s'il s'y retrouve, il bien a du y rentrer non?). Il se fait tabasser ou se fait embrasser, il est emmené par quelqu'un au lieu de le suivre etc…

 

- L'adverbe "involontairement"

 

- Les verbes "ressentir" et "éprouver"

 

- Les verbes "essayer" et "tenter"

 

- Une partie du corps du héros fait quelque chose, au lieu du héros en entier: "sa main saisit son épée" au lieu de "il saisit son épée"

 

- Pour les verbes d'incises, les verbes tels que: geindre, gémir, se plaindre, vitupérer, persifler, glapir, piailler

 

 

 

Vous l'avez compris, ces expressions donnent l'impression d'un perso qui ne contrôle rien, même pas son propre corps!

 

 

 

Le Comportement

 

Encore une fois, ce n'est pas le fait d'utiliser certaines expressions qui finit par donner une mauvaise image de votre héros/ïne, mais leur accumulation. Alors relisez votre texte et comptez combien de fois votre perso principal:

 

- soupire (un problème particulièrement fréquent chez les héroïnes)

 

- hausse les épaules (surtout en signe d'impuissance)

 

- hésite (surtout pour des trucs qui n'en valent pas la peine, genre comment s'habiller), un problème fréquent chez les héroïnes d'urban fantasy

 

- A des réactions de stress à des stimuli mineurs: ça peut être le bruit du vent ou d'un objet qui tombe. Ça peut être aussi l'apparition d'une personne désagréable, mais pas directement menaçante, comme la "pouffiasse de service" en urban fantasy.

 

- Passe du temps (plus d'une à deux phrases) à éprouver des émotions à la fois négatives et passives, genre ruminer un conflit passé sans en tirer de conclusion

 

- Passe du  temps (et des paragraphes) à penser sans trouver de solution ou de plan d'action.

 

- A des tics: se ronge les ongles, se mord les lèvres (encore un problème fréquent chez les héroïnes), se triture les cheveux, avale sa salive, serre les dents…

 

- A des actions involontaires et inconscientes (encore un problème de protagoniste féminin, le plus souvent)

 

 

 

Et en général, votre perso n'aurait-il pas trop de mimiques? C'est embêtant si vous l'avez décrit comme un grand fort taciturne à la Clint Eastwood!

 

D'ailleurs, essayez de comparer votre héros/ïne à un perso de cinéma: combien de fois voyez-vous un protagoniste de Star Wars soupirer, hausser les épaules, se mordre les lèvres, sursauter au moindre bruit, avoir des réactions inconscientes, etc…?

 

Au contraire, si vous voulez décrire un personnage qui n'est pas héroïque, voire un peu paillasson, un antihéros, vous pouvez accumuler ces termes. L'important c'est de le faire volontairement!

 

 

 

Exemples:

 

Elle hésita, se mordant les lèvres, puis poussa un profond soupir.

 

Versus: Elle s'arrêta, fronça les sourcils, puis prit une profonde inspiration.

 

Ou: Elle s'arrêta, passa mentalement ses options en revue, puis prit une profonde inspiration.

 

 

 

Il hésita, se grattant la tête.

 

Versus: Il s'interrompit, prenant le temps de la réflexion.

 

 

 

Elle soupira et tenta d'ouvrir la porte.

 

Versus: Elle poussa sur le battant de toutes ses forces, en vain.

 

 

 

Les dialogues

 

 

 

Encore une fois, parcourez vos dialogues et notez le nombre de fois où votre héros/ïne:

 

- "parle pour ne rien dire": ses répliques ne servent ni à faire avancer l'intrigue, ni à le caractériser, ni à caractériser un autre personnage et en général, n'apportent aucune information. Vous aimez les gens qui parlent pour ne rien dire? Les respectez-vous? Qu'est-ce que les autres persos devraient en penser?

 

- Si votre héros/ïne fait une blague que plus de 25% de vos bétalecteurs ne comprennent pas, envisagez sérieusement de la supprimer.

 

- Votre héros accumule les lieux communs.

 

 

 

La Caractérisation

 

Votre personnage n'a pas de hobbies, ni de petits plaisirs (nourriture, lecture, TV, jeux, sport, promenade etc…) qu'il apprécie et dont il peut parler avec enthousiasme. Dans la vraie vie, je soupçonne que vous auriez du mal à trouver un individu pareil sympa. Si en plus, vous lui faites ruminer quelque traumatisme, votre héros/îne, n'apparait pas comme héroïque, mais frustré au possible (par contre, un tel profil serait intéressant pour un méchant). C'est le cas de très nombreuses héroïnes de fantasy, dont on se demande ce qu'elles font de leur temps libre: Kate Daniels d'Ilona Andrews, Catherine Crawfield de Jeaniene Frost, Kaleana de Sarah J. Maas etc…. Bref, votre personnage n'est simplement pas tridimensionnel.

 

 

 

L'intrigue

 

Certains aspects de l'intrigue qui peuvent vous paraître géniaux, entrainer du suspense, des rebondissements, de vastes arcs narratifs, des conflits insoutenables etc… donnent en fait une très mauvaise image du héros, pour peu que votre lecteur y réfléchisse deux minute (Ah bon, ça réfléchit, un lecteur? Zut!). En particulier, faire apparaître votre protagoniste comme stupide et/ou passif(ve).

 

- À plusieurs reprises, votre héros/ïne super-intelligent essaye de faire quelque chose et échoue, simplement parce qu'il s'y prend mal, c'est évident, même pour le lecteur de fantasy moyen.

 

- Au début de l'histoire, votre héros/ïne subit une situation difficile, mais n'a jamais envisagé/rêvé/fantasmé de faire quoi que ce soit pour régler le problème. Il apparaît comme quelqu'un de très stupide ou de très passif.

 

Exemple (attention, spoiler): Dans la série Kate Daniels d'Ilona Andrews, L'héroïne se trouve être la fille secrète d'un très grand nécromant, multimilliardaire de surcroit qui l'éliminerait sans hésitation s'il découvrait leur lien de parenté. C'est pour cela, explique-t-elle au début de la série, qu'elle n'aime pas laisser trainer son sang quelque part. Dans une telle situation, n'importe quelle personne modérément sensée commencerait par déménager à l'autre bout du monde, ou au moins des États-Unis. Mais pas Kate Daniels. Elle habite toujours dans la même ville que son géniteur et exerce le métier de mercenaire, ce qui lui permet de laisser traîner son sang partout. À aucun moment dans le récit, elle ne se demande si c'est une bonne idée. Après, elle peut être aussi badass qu'on veut et casser du vampire, elle apparaît comme un perso passif et pas trop intelligent (et en plus, elle rumine beaucoup sur ce que les gens pensent d'elle).

 

- Votre protagoniste se tire régulièrement d'affaire grâce à un deus ex machina: le hasard ou un copain qui arrive juste à temps.

 

 

 

Bref, jetez un nouveau regard critique sur votre texte: n'avez-vous pas transformé votre héros/ïne badass, sexy et courageux/se en paillasson râleur?

 

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Comments: 1
  • #1

    Liadan (Sunday, 10 January 2021 14:17)

    Je mets souvent des tics ou des soupires dans mes récits, mais pas uniquement pour les filles. Ce genre de choses m'a jamais donné l'impression d'un truc qu'il ne fallait pas faire. Quand un de mes personnages soupire c'est parce qu'il a un certain type de caractère. Et je trouve que mettre des tics à des personnages est un bon moyen de faire ressurgir un côté unique aussi :/
    Mais l'avantage, c'est qu'en dehors de ça, je fais pas vraiment les autres erreurs ^^