Les années 90: l'âge d'or d'une certaine fantasy engagée et tranquille

Je continue ma grande crise de radotage (après tout, c'est bien mon blog). 
Ce fut en 1991 que je découvris la fantasy en anglais lors d'un voyage à San Francisco. Je n'avais pas encore le niveau pour lire la fantasy ou la SF dans le texte, je dus me contenter de romances et de westerns pour rattraper mon niveau d'anglais, mais je fis un premier stock de livres. Je compris vite que ça n'avait rien à voir avec ce qu'on trouvait en France à l'époque (sauf exception, des clones du Seigneur des Anneaux ou de Conan le Barbare). À coté, en anglais, c'était le moment où la fantasy se féminisait, tant en lectorat qu'en autorat, qu'en protagonistes. C'est ainsi qu'on avait:
- Luck in the Shadows (Lynn Flewelling) : des reines polyandres qui règnent de mère en fille et un couple de héros gay, le tout dans un univers où tout le monde trouve ça normal (ce n'est même pas le sujet principal du roman). Il y avait un petit coté Tolkienesque en plus!
- Sabriel de Garth Nix (la première d'une longue lignée d'héroïnes YA avec des pouvoirs spéciaux).
- Heralds of Valdemar/Oathbound de Mercedes Lackey: du lot, c'était celui qui était le plus ouvertement militant (sans doute pour cela que je n'y ai pas accroché). De nombreuses autrices engagées modernes pourraient en prendre de la graine.
- Sunrunner de Melanie Rawn: gros succès à l'époque. Un prince sensible et intelligent se retrouve sur le trône après la mort prématurée de son père. Sa cour est une panier de crabes. Son oncle veut sa peau. Heureusement, il contracte un mariage politique avec une jeune prêtresse. Celle-ci va entreprendre de faire le ménage.
Une famille royale qui se déchire méchamment dans un monde pseudo-médiéval. De la violence. Des dragons. Ça ne vous rappelle rien? Il a pourtant eu nombre de clones dans les dix années suivantes. Toute similitude avec un autre roman sorti un peu plus tard et récemment adapté à la télé ne peut être que fortuite... 
- Swordspoint d'Ellen Kushner: un couple gay se retrouve plongé jusqu'au cou dans les intrigues et les coups tordus de leur belle cité.
- The Element of Fire de Martha Wells: embrouilles et complots politiques avec une reine-mère qui ne rigole pas.  
Sans compter les séries TV: Stargate ou Babylon V où on considère acquis que les femmes auront la parité dans le futur.
Même les romances s'y mettaient: les héroïnes avaient la trentaine, un job intéressant, de vraies compétences, les héros ne roulaient pas des mécaniques et il y avait des personnages secondaires gays pas caricaturaux (à titre d'exemple, Jayne Anne Krentz fait apparaitre plusieurs fois un couple de femmes qui gère une agence de gardes du corps féminins dans l'Angleterre Victorienne).
Et tout ça passait tranquillement, sans polémique, dans une ambiance optimiste et bon enfant. Facebook et Twitter n'existaient pas...

 

Alors expliquez-moi: où cette évolution a-t-elle dérapée? Comment en est-on revenus aux clichés les plus éculés des années 80? J'aurais tendance à répondre que c'est avec l'attentat du 11 Septembre qu'on est lentement mais surement revenu aux valeurs traditionnelles. Ce serait un sujet fascinant pour un sociologue. 
Et maintenant, en 2021, quels romans a-t-on retenu des années 90?
- Le Trône de Fer
- Harry Potter
- L'Assassin Royal
Bref, des romans engagés à 100%. Voilà, voilà.

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Comments: 1
  • #1

    Grianne (Wednesday, 31 July 2024 04:48)

    Dommage que des pans entiers de la littérature régressent mais peut-être que c'est aussi lié à l'émergence du business des sous-sous-genres littéraires, qui amènent à une montagne de clichés problématiques non remis en question. Alors il faudrait regarder du côté des œuvres récentes qui ne rentrent dans aucune catégorie ou dans une qui n'est pas à la mode.